Conférence de presse du porte-parole YOSHIDA Tomoyuki à la presse étrangère
2021/2/9
Situation au Myanmar
NHK : Je crois savoir que des résidents birmans au Japon sont venus au Ministère et ont remis un peu plus tôt une requête écrite au MOFA et au gouvernement japonais. Ils réclament probablement la libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi. Comment le Japon envisage-t-il de répondre à cette requête ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Les résidents birmans au Japon, que vous venez d’évoquer, protestent actuellement en criant si fort qu’on peut même entendre leurs voix depuis cette salle. Je n'ai pas encore pris personnellement connaissance du contenu de leur requête mais, après l’avoir fait, je compte y répondre sur la base des positions adoptées par le gouvernement.
Le ministre des Affaires étrangères a publié le 1er février un communiqué relatif à la situation au Myanmar. Hier encore, il a de nouveau parlé de ce sujet et déclaré que le Japon était très préoccupé par ce coup d'État militaire qui porte atteinte au processus de démocratisation.
Comme le ministre des Affaires étrangères l’a indiqué dans son communiqué, le Japon demande instamment la libération de la conseillère spéciale de l'État Daw Aung San Suu Kyi et de toutes les autres personnes détenues.
En tant que pays ayant toujours soutenu avec vigueur le processus de démocratisation au Myanmar, le Japon s’oppose fermement à toute action qui serait contraire à ce processus. Fidèle à cette position, le Japon compte renouveler ses appels à l'armée birmane.
NHK : Cela veut-il dire que la requête des résidents birmans au Japon a été entendue ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Comme je viens de le dire, je n'ai pas encore pris connaissance du contenu de cette requête. Je ne sais donc pas si nous répondre à chacune des demandes qu’elle contient. Mais considérant que cette requête existe, nous leur avons expliqué que nous répondrions de la manière que je viens de vous expliquer, en nous basant sur les positions du gouvernement japonais.
Nikkei Shimbun : Vous avez déclaré plus tôt que le Japon lancerait un appel à l'armée birmane. Cela veut-il dire que le gouvernement japonais a déjà approché la junte depuis le coup d'État du 1er février ? Si possible, pouvez-vous nous donner plus de détails ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Le gouvernement japonais a toujours soutenu le processus de démocratisation au Myanmar. En raison de cette situation, nous exhortons à nouveau l’armée birmane à rétablir rapidement le système politique démocratique du Myanmar. Nous avons d’ores et déjà commencé à prendre contact avec des responsables militaires, mais aussi avec d’autres personnalités, au Myanmar même et à l’étranger.
Je ne peux rien dire de plus dans la situation actuelle. Mais nous maintiendrons le contact avec les militaires et toutes les personnes concernées.
Asahi Shimbun : Lors de sa conférence de presse d’aujourd’hui, le porte-parole du Cabinet [NdT KATO Katsunobu] a déclaré que l’action de l'armée correspondait à un coup d'État.
Vous-même, vous avez utilisé un peu plus tôt le terme de « coup d'État ». Dans les conférences de presse et les communiqués qu’il a donné jusqu'à présent, le ministre des Affaires étrangères se limitait à décrire la situation comme portant atteinte au processus de démocratisation. Pouvez-vous nous indiquer la raison pour laquelle vous considérez désormais la situation comme étant un coup d'État ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Pour commencer, je pense que vous devez connaître le contenu du communiqué du ministre des Affaires étrangères du 1er février. À ce moment-là, il parle de la déclaration de l’état d’urgence. Il y exprime aussi l’inquiétude du gouvernement japonais en déclarant que cette situation portait préjudice au processus de démocratisation.
Par la suite, après un examen complet de la situation du 1er février, de la prise du pouvoir par l'armée… Nous en sommes venu à considérer la situation correspondait à un coup d'État.
Cela a été explicité par le porte-parole du Cabinet et ma déclaration en introduction de cette conférence repose aussi sur cette constatation.
Asahi Shimbun : Ma question va dans le même sens. Les États-Unis interdisent les aides à destination des pays où un coup d'État a eu lieu. Quelle attitude le Japon adopte-t ’il face à de tels pays ? Une décision a-t-elle été prise sur l’attitude à adopter ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Votre question sur l’attitude du gouvernement américain fait probablement référence à une information du Département d'État. Nous avons également entendu dire que la réglementation américaine stopper toute aide gouvernementale en cas d’évènement comme un coup d'État militaire. A l’inverse, il n'existe pas au Japon une telle loi ou un tel règlement général.
Concernant nos futures actions, conformément à la position du gouvernement du Japon que je viens d'expliquer, nous avons tout d'abord demandé à l’armée birmane de rétablir le processus de démocratisation. Nous allons être très attentif à l'évolution de la situation, puis nous devrons réfléchir à la réponse que le gouvernement japonais devra apporter.
Relations entre le Japon et la République de Corée (ROK) (demande de dommages et intérêts contre le gouvernement du Japon par d'anciennes femmes de réconfort)
TV Asahi : Je change de sujet pour aborder le jugement sur les femmes de réconfort. J'ai plusieurs questions à poser. Le jugement a été confirmé le 23 janvier et je crois que le ministre des Affaires étrangères MOTEGI a publié un communiqué dessus. La République de Corée a publié en retour une protestation à ce communiqué. Je voudrais savoir si le gouvernement japonais a protesté ou réagi officiellement à la réponse sud-coréenne.
M. YOSHIDA Tomoyuki : La déclaration du ministre des Affaires étrangères dont vous parlez dans votre question a été publiée le 23 janvier en réponse à la confirmation du jugement. Je sais que le même jour, suite à cette publication, le ministère des Affaires étrangères sud-coréen a publié des documents de référence pour préciser les positions du gouvernement de la République de Corée.
Le gouvernement japonais a émis une protestation en déclarant qu’il ne pouvait en accepter la teneur. Pour en reprendre les termes, il considère que la question des femmes de réconfort a été « résolue de façon définitive et irréversible » conformément à l'accord de 2015 entre le Japon et la République de Corée et à l’Accord relatif au règlement de problèmes concernant les biens et les réclamations et à la coopération économique entre le Japon et la République de Corée. En outre, comme l’indiquent les documents officiels et les discours de la Présidence sud-coréennes, la République de Corée reconnaît également le caractère officiel de l'accord de décembre 2015. Cela a été confirmé non seulement lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères, mais également par les dirigeants des deux pays et cet accord a été vivement salué par la communauté internationale. Par conséquent, même si le gouvernement a changé en Corée du Sud, nous considérons qu’il doit assumer ses responsabilités en appliquant les clauses de cet accord.
Le Japon a à cœur d’appliquer toutes les mesures qu'il s'est engagé de prendre. Par conséquent, si le gouvernement de la République de Corée reconnaît que cet accord est un document officiel conclu par les deux gouvernements, nous considérons que la République de Corée devrait se conformer en toute sincérité à cet accord, qui fit l’objet de l’attention de la communauté internationale.
Par conséquent, le Japon a immédiatement protesté à l'objection formulé par la ROK en déclarant qu’elle était inacceptable.
Relations entre le Japon et la République de Corée (ROK) (le nouvel ambassadeur de la Corée du Sud au Japon Kang Chang-il)
TV Asahi : dans la foulée, je souhaiterais confirmer un autre point. L'ambassadeur Kang Chang-il, qui est déjà en poste au Japon, a fait diverses déclarations dans la presse sur ce jugement. Qu’en pense le gouvernement japonais ? De plus, bien que cela date un peu, je crois que le gouvernement sud-coréen a annoncé la nomination de M. Chang au poste d’ambassadeur avant d’obtenir son agrément du Japon. Pouvez-vous nous dire si le gouvernement a réagi d’une quelconque manière à cette situation ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Sur le nouvel ambassadeur Chang, comme la présentation de ses lettres de créance n'a pas encore eu lieu, je vais le désigner comme « ambassadeur nominé ». Je suis en effet au courant que, à son arrivée [au Japon], il a exprimé dans la presse ses opinions personnelles.
J'aimerais m'abstenir de réagir à chacune d'entre elles ou d’en faire le moindre commentaires. Toutefois, je tiens à préciser que certaines de ses déclarations diffèrent de la position officielle japonaise. L'ambassadeur nominé Chang est toujours en quatorzaine et, compte tenu des relations particulièrement difficiles - difficiles comme jamais auparavant - entre le Japon et la Corée, nous aimerions que cette dernière assume ses responsabilités et prouve par ses actions qu'elle agit en conséquence.
En ce qui concerne l'annonce par la ROK de sa nomination avant l’obtention de l'agrément japonais, le directeur du Service du protocole du Ministère des Affaires étrangères KAIFU Atsushi a immédiatement fait part de notre extrême mécontentement au ministre Kim Yeong-il de l’ambassade de la République de Corée au Japon face à une annonce qui ne respecte nullement les règles protocolaires en vigueur.
Loi relative à la fonction garde-côtes de la Chine
Asahi Shimbun : Ma question concerne la Chine et l’entrée en vigueur de sa loi relative à la fonction garde-côtes. La Chine a multiplié les provocations, notamment près des îles Senkaku. Pensez-vous que les tensions entre le Japon et la Chine vont aller en se multipliant avec l'entrée en vigueur de cette loi ? Pouvez-vous nous dire aussi quels actions seront nécessaires pour prévenir un recourt accidentel aux armes ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : La loi relative à la fonction garde-côtes est entrée en vigueur le 1er février. On nous interroge souvent sur ce sujet. La loi relative à la fonction garde-côtes précise les missions et les compétences du Corps de la garde côtière des forces de police armées chinoises. À de multiples occasions, le Japon a fait part de ses préoccupations à ce sujet à la Chine. Actuellement se tiennent des consultations de haut niveau sur les affaires maritimes entre le Japon et la Chine et le Japon ne manquera pas d’y soulever cette question.
Nous surveillons avec une grande attention les effets de l'entrée en vigueur de cette loi dans les zones concernées, ainsi que sa mise en pratique. Comme l'a déclaré le ministre des Affaires étrangères MOTEGI lors de sa dernière conférence de presse, la position du Japon est que la mise en place de cette loi ne doit en aucune manière enfreindre le droit international.
Dans cette optique, nous menons en interne une étude pour analyser ses effets réels. Cette loi venant juste d'entrer en vigueur, je m'abstiendrais de donner plus de détails.
Toutefois, le Japon poursuivra sa politique de réponse ferme, avec la volonté inébranlable de défendre notre territoire national ainsi que notre espace maritime et aérien dans les zones concernées, en coopération avant tout avec les différents ministères et des agences gouvernementales concernés.
Situation au Myanmar (constatation officielle du coup d'État par le gouvernement japonais)
Nikkei Shimbun : Je voudrais revenir sur le Myanmar. Concernant la constatation officielle du coup d'État par le Japon que vous avez évoqué précédemment, combien d'années se sont écoulées depuis la dernière fois que le gouvernement japonais a adopté une telle attitude ? J'ai vu que le site du Ministère des Affaires étrangères mentionnait le coup d'État de 2014 en Thaïlande, mais depuis quand le Japon le considère comme tel ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Nous avons déclaré que nous reconnaissions que la situation actuelle était un coup d'État, une prise du pouvoir par les militaires. N'ayant aucun document me permettant de dire dans quelles conditions le Japon a utilisé le terme « coup d'État » par le passé, je vérifierai donc ce point ultérieurement. Sauf erreur de ma part, je crois que le terme de « troubles politiques » avait été utilisé à l’époque pour désigner des évènements comme le coup d'État de 2014 en Thaïlande. En tout cas, il conviendrait que je puisse vérifier les faits.
Situation au Myanmar (déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères du G7)
NHK : Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont publié récemment une déclaration conjointe concernant le Myanmar. Je n'en ai pas encore lu le contenu en détail, mais pourriez-vous nous dire quels en sont les points essentiels et le contexte dans lequel le G7 l'a publiée ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : : La déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères du G7 vient tout juste d'être rendu publique. Elle indique que le G7 fait bloc dans sa condamnation du coup d'État au Myanmar et appelle les militaires à mettre immédiatement fin à l'état d'urgence, à rétablir le pouvoir du gouvernement démocratiquement élu et à libérer la conseillère spéciale de l'État Aung San Suu Kyi ainsi que toutes les personnes injustement arrêtées. Elle souligne également que les résultats des élections de novembre 2020 doivent être respectés et que le Parlement doit pouvoir se réunir dès que possible.
En ce qui concerne la déclaration elle-même, les membres du G7, qui partagent les mêmes valeurs fondamentales, sont convenus que la publication d’une déclaration appropriée était essentielle pour améliorer la situation au Myanmar. Des débats ont été mené en amont de sa publication, auxquels le Japon a pris une part active.
Situation au Myanmar (Coopération avec les États-Unis)
NHK : Je voudrais poser une autre question sur le Myanmar, et plus précisément sur la question des sanctions. L'administration BIDEN a indiqué qu'elle n’écartait pas la possibilité de sanctions contre le Myanmar et certains se demandent si l’application de ces sanctions ne renforcerait pas les liens entre la Chine et le Myanmar. Le président de la Nippon Fondation, M. SASAKAWA Yohei, entretient de liens particulièrement forts avec le Myanmar et il a soulevé ce point sur son blog. Il a également écrit qu’une action diplomatique du Japon serait nécessaire pour dissuader les États-Unis. Pouvez-vous nous présenter votre point de vue sur l’approche que le Japon devrait adopter face aux États-Unis et sur la nécessité de sanctions ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Je n'ai pas lu le blog de M. SASAKAWA dont vous venez de parler. Nous lui avons demandé d'être le chef de la mission d'observation des élections générales de 2020 au Myanmar. Il s’est rendu sur place et a confirmé que le scrutin s'était déroulée de manière juste, équitable et pacifique. Il nous a également apporter des suggestions et des conseils sur la politique birmane.
On ne sait pas encore précisément quelle sera la réponse du gouvernement des États-Unis face à la situation au Myanmar. Je crois que le Département d'État américain a récemment apporter un semblant d’explication en déclarant un peu plus tôt qu'un coup d'État pourrait entraîner la suspension de toute aide économique américaine. Toutefois, rien n’est encore très sûr quant à l’avenir.
En tout cas, on peut se demander ce qui serait le plus efficace pour concrétiser des positions comme celles indiquées dans la déclaration conjointe du G7. Le Japon dispose de ses propres réseaux avec le Myanmar et nous allons également travailler avec la communauté internationale afin d’inciter l’armée birmane à revenir sur ses positions. Nous poursuivrons notre action en combinant ses deux approches, et en y ajoutant une coopération étroite avec les États-Unis, avec lesquels nous partageons la volonté de promouvoir le concept commun d'un « Indopacifique libre et ouvert ».
Le directeur du Bureau Amérique du Nord du Ministère des Affaires étrangères, M. ICHIKAWA Keiichi, a déjà eu un échange sur la situation au Myanmar avec le secrétaire adjoint par intérim du Bureau américain des affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique, M. Sung KIM. Nous assurerons la coordination avec la nouvelle administration BIDEN. Dans ce contexte, le gouvernement japonais défendra ses positions auprès des États-Unis sur la base de son implication et de son engagement de longue date au Myanmar.
Traduction provisoire et purement informative
Article original (en anglais)
NHK : Je crois savoir que des résidents birmans au Japon sont venus au Ministère et ont remis un peu plus tôt une requête écrite au MOFA et au gouvernement japonais. Ils réclament probablement la libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi. Comment le Japon envisage-t-il de répondre à cette requête ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Les résidents birmans au Japon, que vous venez d’évoquer, protestent actuellement en criant si fort qu’on peut même entendre leurs voix depuis cette salle. Je n'ai pas encore pris personnellement connaissance du contenu de leur requête mais, après l’avoir fait, je compte y répondre sur la base des positions adoptées par le gouvernement.
Le ministre des Affaires étrangères a publié le 1er février un communiqué relatif à la situation au Myanmar. Hier encore, il a de nouveau parlé de ce sujet et déclaré que le Japon était très préoccupé par ce coup d'État militaire qui porte atteinte au processus de démocratisation.
Comme le ministre des Affaires étrangères l’a indiqué dans son communiqué, le Japon demande instamment la libération de la conseillère spéciale de l'État Daw Aung San Suu Kyi et de toutes les autres personnes détenues.
En tant que pays ayant toujours soutenu avec vigueur le processus de démocratisation au Myanmar, le Japon s’oppose fermement à toute action qui serait contraire à ce processus. Fidèle à cette position, le Japon compte renouveler ses appels à l'armée birmane.
NHK : Cela veut-il dire que la requête des résidents birmans au Japon a été entendue ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Comme je viens de le dire, je n'ai pas encore pris connaissance du contenu de cette requête. Je ne sais donc pas si nous répondre à chacune des demandes qu’elle contient. Mais considérant que cette requête existe, nous leur avons expliqué que nous répondrions de la manière que je viens de vous expliquer, en nous basant sur les positions du gouvernement japonais.
Nikkei Shimbun : Vous avez déclaré plus tôt que le Japon lancerait un appel à l'armée birmane. Cela veut-il dire que le gouvernement japonais a déjà approché la junte depuis le coup d'État du 1er février ? Si possible, pouvez-vous nous donner plus de détails ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Le gouvernement japonais a toujours soutenu le processus de démocratisation au Myanmar. En raison de cette situation, nous exhortons à nouveau l’armée birmane à rétablir rapidement le système politique démocratique du Myanmar. Nous avons d’ores et déjà commencé à prendre contact avec des responsables militaires, mais aussi avec d’autres personnalités, au Myanmar même et à l’étranger.
Je ne peux rien dire de plus dans la situation actuelle. Mais nous maintiendrons le contact avec les militaires et toutes les personnes concernées.
Asahi Shimbun : Lors de sa conférence de presse d’aujourd’hui, le porte-parole du Cabinet [NdT KATO Katsunobu] a déclaré que l’action de l'armée correspondait à un coup d'État.
Vous-même, vous avez utilisé un peu plus tôt le terme de « coup d'État ». Dans les conférences de presse et les communiqués qu’il a donné jusqu'à présent, le ministre des Affaires étrangères se limitait à décrire la situation comme portant atteinte au processus de démocratisation. Pouvez-vous nous indiquer la raison pour laquelle vous considérez désormais la situation comme étant un coup d'État ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Pour commencer, je pense que vous devez connaître le contenu du communiqué du ministre des Affaires étrangères du 1er février. À ce moment-là, il parle de la déclaration de l’état d’urgence. Il y exprime aussi l’inquiétude du gouvernement japonais en déclarant que cette situation portait préjudice au processus de démocratisation.
Par la suite, après un examen complet de la situation du 1er février, de la prise du pouvoir par l'armée… Nous en sommes venu à considérer la situation correspondait à un coup d'État.
Cela a été explicité par le porte-parole du Cabinet et ma déclaration en introduction de cette conférence repose aussi sur cette constatation.
Asahi Shimbun : Ma question va dans le même sens. Les États-Unis interdisent les aides à destination des pays où un coup d'État a eu lieu. Quelle attitude le Japon adopte-t ’il face à de tels pays ? Une décision a-t-elle été prise sur l’attitude à adopter ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Votre question sur l’attitude du gouvernement américain fait probablement référence à une information du Département d'État. Nous avons également entendu dire que la réglementation américaine stopper toute aide gouvernementale en cas d’évènement comme un coup d'État militaire. A l’inverse, il n'existe pas au Japon une telle loi ou un tel règlement général.
Concernant nos futures actions, conformément à la position du gouvernement du Japon que je viens d'expliquer, nous avons tout d'abord demandé à l’armée birmane de rétablir le processus de démocratisation. Nous allons être très attentif à l'évolution de la situation, puis nous devrons réfléchir à la réponse que le gouvernement japonais devra apporter.
Relations entre le Japon et la République de Corée (ROK) (demande de dommages et intérêts contre le gouvernement du Japon par d'anciennes femmes de réconfort)
TV Asahi : Je change de sujet pour aborder le jugement sur les femmes de réconfort. J'ai plusieurs questions à poser. Le jugement a été confirmé le 23 janvier et je crois que le ministre des Affaires étrangères MOTEGI a publié un communiqué dessus. La République de Corée a publié en retour une protestation à ce communiqué. Je voudrais savoir si le gouvernement japonais a protesté ou réagi officiellement à la réponse sud-coréenne.
M. YOSHIDA Tomoyuki : La déclaration du ministre des Affaires étrangères dont vous parlez dans votre question a été publiée le 23 janvier en réponse à la confirmation du jugement. Je sais que le même jour, suite à cette publication, le ministère des Affaires étrangères sud-coréen a publié des documents de référence pour préciser les positions du gouvernement de la République de Corée.
Le gouvernement japonais a émis une protestation en déclarant qu’il ne pouvait en accepter la teneur. Pour en reprendre les termes, il considère que la question des femmes de réconfort a été « résolue de façon définitive et irréversible » conformément à l'accord de 2015 entre le Japon et la République de Corée et à l’Accord relatif au règlement de problèmes concernant les biens et les réclamations et à la coopération économique entre le Japon et la République de Corée. En outre, comme l’indiquent les documents officiels et les discours de la Présidence sud-coréennes, la République de Corée reconnaît également le caractère officiel de l'accord de décembre 2015. Cela a été confirmé non seulement lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères, mais également par les dirigeants des deux pays et cet accord a été vivement salué par la communauté internationale. Par conséquent, même si le gouvernement a changé en Corée du Sud, nous considérons qu’il doit assumer ses responsabilités en appliquant les clauses de cet accord.
Le Japon a à cœur d’appliquer toutes les mesures qu'il s'est engagé de prendre. Par conséquent, si le gouvernement de la République de Corée reconnaît que cet accord est un document officiel conclu par les deux gouvernements, nous considérons que la République de Corée devrait se conformer en toute sincérité à cet accord, qui fit l’objet de l’attention de la communauté internationale.
Par conséquent, le Japon a immédiatement protesté à l'objection formulé par la ROK en déclarant qu’elle était inacceptable.
Relations entre le Japon et la République de Corée (ROK) (le nouvel ambassadeur de la Corée du Sud au Japon Kang Chang-il)
TV Asahi : dans la foulée, je souhaiterais confirmer un autre point. L'ambassadeur Kang Chang-il, qui est déjà en poste au Japon, a fait diverses déclarations dans la presse sur ce jugement. Qu’en pense le gouvernement japonais ? De plus, bien que cela date un peu, je crois que le gouvernement sud-coréen a annoncé la nomination de M. Chang au poste d’ambassadeur avant d’obtenir son agrément du Japon. Pouvez-vous nous dire si le gouvernement a réagi d’une quelconque manière à cette situation ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Sur le nouvel ambassadeur Chang, comme la présentation de ses lettres de créance n'a pas encore eu lieu, je vais le désigner comme « ambassadeur nominé ». Je suis en effet au courant que, à son arrivée [au Japon], il a exprimé dans la presse ses opinions personnelles.
J'aimerais m'abstenir de réagir à chacune d'entre elles ou d’en faire le moindre commentaires. Toutefois, je tiens à préciser que certaines de ses déclarations diffèrent de la position officielle japonaise. L'ambassadeur nominé Chang est toujours en quatorzaine et, compte tenu des relations particulièrement difficiles - difficiles comme jamais auparavant - entre le Japon et la Corée, nous aimerions que cette dernière assume ses responsabilités et prouve par ses actions qu'elle agit en conséquence.
En ce qui concerne l'annonce par la ROK de sa nomination avant l’obtention de l'agrément japonais, le directeur du Service du protocole du Ministère des Affaires étrangères KAIFU Atsushi a immédiatement fait part de notre extrême mécontentement au ministre Kim Yeong-il de l’ambassade de la République de Corée au Japon face à une annonce qui ne respecte nullement les règles protocolaires en vigueur.
Loi relative à la fonction garde-côtes de la Chine
Asahi Shimbun : Ma question concerne la Chine et l’entrée en vigueur de sa loi relative à la fonction garde-côtes. La Chine a multiplié les provocations, notamment près des îles Senkaku. Pensez-vous que les tensions entre le Japon et la Chine vont aller en se multipliant avec l'entrée en vigueur de cette loi ? Pouvez-vous nous dire aussi quels actions seront nécessaires pour prévenir un recourt accidentel aux armes ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : La loi relative à la fonction garde-côtes est entrée en vigueur le 1er février. On nous interroge souvent sur ce sujet. La loi relative à la fonction garde-côtes précise les missions et les compétences du Corps de la garde côtière des forces de police armées chinoises. À de multiples occasions, le Japon a fait part de ses préoccupations à ce sujet à la Chine. Actuellement se tiennent des consultations de haut niveau sur les affaires maritimes entre le Japon et la Chine et le Japon ne manquera pas d’y soulever cette question.
Nous surveillons avec une grande attention les effets de l'entrée en vigueur de cette loi dans les zones concernées, ainsi que sa mise en pratique. Comme l'a déclaré le ministre des Affaires étrangères MOTEGI lors de sa dernière conférence de presse, la position du Japon est que la mise en place de cette loi ne doit en aucune manière enfreindre le droit international.
Dans cette optique, nous menons en interne une étude pour analyser ses effets réels. Cette loi venant juste d'entrer en vigueur, je m'abstiendrais de donner plus de détails.
Toutefois, le Japon poursuivra sa politique de réponse ferme, avec la volonté inébranlable de défendre notre territoire national ainsi que notre espace maritime et aérien dans les zones concernées, en coopération avant tout avec les différents ministères et des agences gouvernementales concernés.
Situation au Myanmar (constatation officielle du coup d'État par le gouvernement japonais)
Nikkei Shimbun : Je voudrais revenir sur le Myanmar. Concernant la constatation officielle du coup d'État par le Japon que vous avez évoqué précédemment, combien d'années se sont écoulées depuis la dernière fois que le gouvernement japonais a adopté une telle attitude ? J'ai vu que le site du Ministère des Affaires étrangères mentionnait le coup d'État de 2014 en Thaïlande, mais depuis quand le Japon le considère comme tel ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Nous avons déclaré que nous reconnaissions que la situation actuelle était un coup d'État, une prise du pouvoir par les militaires. N'ayant aucun document me permettant de dire dans quelles conditions le Japon a utilisé le terme « coup d'État » par le passé, je vérifierai donc ce point ultérieurement. Sauf erreur de ma part, je crois que le terme de « troubles politiques » avait été utilisé à l’époque pour désigner des évènements comme le coup d'État de 2014 en Thaïlande. En tout cas, il conviendrait que je puisse vérifier les faits.
Situation au Myanmar (déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères du G7)
NHK : Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont publié récemment une déclaration conjointe concernant le Myanmar. Je n'en ai pas encore lu le contenu en détail, mais pourriez-vous nous dire quels en sont les points essentiels et le contexte dans lequel le G7 l'a publiée ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : : La déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères du G7 vient tout juste d'être rendu publique. Elle indique que le G7 fait bloc dans sa condamnation du coup d'État au Myanmar et appelle les militaires à mettre immédiatement fin à l'état d'urgence, à rétablir le pouvoir du gouvernement démocratiquement élu et à libérer la conseillère spéciale de l'État Aung San Suu Kyi ainsi que toutes les personnes injustement arrêtées. Elle souligne également que les résultats des élections de novembre 2020 doivent être respectés et que le Parlement doit pouvoir se réunir dès que possible.
En ce qui concerne la déclaration elle-même, les membres du G7, qui partagent les mêmes valeurs fondamentales, sont convenus que la publication d’une déclaration appropriée était essentielle pour améliorer la situation au Myanmar. Des débats ont été mené en amont de sa publication, auxquels le Japon a pris une part active.
Situation au Myanmar (Coopération avec les États-Unis)
NHK : Je voudrais poser une autre question sur le Myanmar, et plus précisément sur la question des sanctions. L'administration BIDEN a indiqué qu'elle n’écartait pas la possibilité de sanctions contre le Myanmar et certains se demandent si l’application de ces sanctions ne renforcerait pas les liens entre la Chine et le Myanmar. Le président de la Nippon Fondation, M. SASAKAWA Yohei, entretient de liens particulièrement forts avec le Myanmar et il a soulevé ce point sur son blog. Il a également écrit qu’une action diplomatique du Japon serait nécessaire pour dissuader les États-Unis. Pouvez-vous nous présenter votre point de vue sur l’approche que le Japon devrait adopter face aux États-Unis et sur la nécessité de sanctions ?
M. YOSHIDA Tomoyuki : Je n'ai pas lu le blog de M. SASAKAWA dont vous venez de parler. Nous lui avons demandé d'être le chef de la mission d'observation des élections générales de 2020 au Myanmar. Il s’est rendu sur place et a confirmé que le scrutin s'était déroulée de manière juste, équitable et pacifique. Il nous a également apporter des suggestions et des conseils sur la politique birmane.
On ne sait pas encore précisément quelle sera la réponse du gouvernement des États-Unis face à la situation au Myanmar. Je crois que le Département d'État américain a récemment apporter un semblant d’explication en déclarant un peu plus tôt qu'un coup d'État pourrait entraîner la suspension de toute aide économique américaine. Toutefois, rien n’est encore très sûr quant à l’avenir.
En tout cas, on peut se demander ce qui serait le plus efficace pour concrétiser des positions comme celles indiquées dans la déclaration conjointe du G7. Le Japon dispose de ses propres réseaux avec le Myanmar et nous allons également travailler avec la communauté internationale afin d’inciter l’armée birmane à revenir sur ses positions. Nous poursuivrons notre action en combinant ses deux approches, et en y ajoutant une coopération étroite avec les États-Unis, avec lesquels nous partageons la volonté de promouvoir le concept commun d'un « Indopacifique libre et ouvert ».
Le directeur du Bureau Amérique du Nord du Ministère des Affaires étrangères, M. ICHIKAWA Keiichi, a déjà eu un échange sur la situation au Myanmar avec le secrétaire adjoint par intérim du Bureau américain des affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique, M. Sung KIM. Nous assurerons la coordination avec la nouvelle administration BIDEN. Dans ce contexte, le gouvernement japonais défendra ses positions auprès des États-Unis sur la base de son implication et de son engagement de longue date au Myanmar.
Traduction provisoire et purement informative
Article original (en anglais)